Amour ou dépendance affective

Voici un sujet que je trouve absolument passionnant tant il est complexe. Au fil de mon travail avec des couples, si il y a bien une chose que j’ai pu observer, c’est qu’il n’y a pas une manière d’aimer mais des manières d’aimer. Pourtant une question revient souvent sur la table, celle de savoir si on est dans une relation de couple saine ou toxique.

La toxicité de couple revêt tout un tas de formes et c’est ce qui la rend d’autant plus difficile à cerner, elle s’appelle : possessivité, jalousie, manque de confiance, manipulation, reproches, etc. On confond d’ailleurs à tort une relation de dépendance avec une relation d’amour. Combien de fois n’a-t-on pas entendu : « Si il n’est pas jaloux, c’est qu’il ne m’aime pas. » A cela, je réponds, si il n’est pas jaloux, peut-être vous fait-il confiance ? La question est peut-être plutôt de savoir pourquoi on a besoin que notre compagne ou notre compagnon soit jaloux, quelle est la panne chez nous ?

Aimer l’autre, c’est le laisser libre.

Avant d’être un couple, on est deux personnes distinctes avec notre histoire, nos blessures et ces valises, on les amène aussi dans nos relations affectives. La relation de dépendance, c’est la relation de l’insécurité. Bien sûr, elle peut être renforcée par le couple, un conjoint ou une conjointe qui délaisse, qui trahit mais la blessure existe en amont. Et si tant de personnes tombent encore et encore sur les mêmes profils, c’est qu’il ne faut pas chercher des raisons à l’extérieur mais bien à l’intérieur de soi : « Je n’ai vraiment pas de chance, je ne tombe que sur des manipulateurs ou des hommes violents ». Pensez-vous vraiment qu’il s’agisse d’une question de chance ou de malchance ?

Dans un couple 1 + 1 = 3

Pourquoi est-on attiré par telle ou telle personne ? C’est parce qu’elle dégage quelque chose qui nous touche, qui nous complète, nous challenge même parfois. Tout au long de notre vie, nous serons attirés par d’autres types de personnes selon notre évolution personnelle. Si je me développe en tant que personne indépendante, je rechercherai quelqu’un qui me fasse me sentir libre, si je nourris une insécurité, je chercherai quelqu’un qui me rassurera et sera là pour moi. On n’a parfois aussi la posture inverse à travers l’attirance vers les opposés. Pour certains, c’est une façon de se tirer vers le haut et de progresser, pour d’autres c’est une prophétie de la victimisation. Car il est important de ne pas se leurrer sur la souffrance, aussi pénible soit-elle, elle est aussi très rassurante car elle ramène l’attention à nous tout en nous déchargeant de toute responsabilité.

Bien sûr, tout cela est inconscient. Inutile d’aller voir quelqu’un qui est victime de violences conjugales et de lui dire que c’est de sa faute. Ce qu’il sera par contre intéressant pour cette personne, une fois sortie de sa relation toxique, c’est de faire un travail sur elle-même pour comprendre pourquoi elle se tourne vers ce type de relation, sur quelle blessure elle doit travailler, quel est le schéma hérité et surtout comment se construire seule avant de se remettre en couple. Un monde de l’amour idéal serait celui on nous serions ensemble par envie et non par besoin, où chacun laisserait l’autre libre de grandir individuellement autant que dans la relation. Car oui, on a tendance à l’oublier mais aimer l’autre c’est le laisser libre, libre de ses choix, libre de faire des erreurs, ne souhaiter que son bonheur et surtout lui faire confiance.

Il y a une différence entre tendre la main à quelqu’un et le forcer à la saisir.

On pense à tort que cette liberté est du je-m’en-foutisme, du délaissement, du désintérêt. « Si mon conjoint va mal, je dois faire quelque chose sinon c’est que je m’en fous, quitte à choisir pour lui, au final, il me dira merci. » Dire à l’autre qu’on est là pour lui, lui partager notre ressenti sans chercher à le culpabiliser, lui proposer des pistes c’est constructif. Faire des reproches, décider à sa place, penser qu’on sait mieux que l’autre ce qui lui conviendrait, c’est destructeur. Et pourtant la différence est mince, c’est une question d’intention. On peut parfois dire les mêmes mots mais c’est l’intention qui est derrière qui compte. Et c’est pourquoi, j’invite tout le monde à régulièrement se demander quand il dit quelque chose, ce qu’il souhaite réellement dire en sous-texte. Si on réalise que notre intention n’est peut-être pas aussi louable qu’il n’y paraît, ce n’est pas grave, on le réalise, on se pardonne, nous avons tous des faces plus sombres et on essaye d’être honnête avec soi, avec l’autre. C’est loin d’être l’exercice le plus facile mais il est libérateur : « Écoute, je pense ça de toi et je sais que ce n’est pas correct. Je te le dis parce que même sans te le dire, tu sens que quelque chose ne va pas. Je n’ai pas envie qu’on se prenne la tête pour ça, c’est une bombe à retardement, je le sais. »

La communication bienveillante est la solution à tout, l’empathie l’est aussi.

Parfois quand on se dit les choses simplement, qu’on se demande et l’un et l’autre ce qu’on peut faire ensuite pour se soulager mutuellement, on crée de belles choses, des choses empreintes de bienveillance envers soi et envers celui/celle qu’on aime.

On ne change pas les autres, on se change soi et c’est très bien comme ça.